lundi 10 janvier 2011

Orozco au Centre Pompidou


Orozco à Pompidou

L’idée de Christine Macel, commissaire de l’exposition, est d’exposer l’atelier de l’artiste, en l’occurrence, chez Gabriel Orozco, l’atelier est itinérant. Une idée alléchante qui convoque chez le spectateur son côté voyeur. Que va-t-on apprendre du quotidien de l’artiste, qui d’un certain sens ouvre ses portes ? On s’attend à entrer sans médiation dans le processus, à découvrir les petits secrets techniques et explorer les pistes de travail d’habitude cachés au public.



Mais, dans la Galerie Sud, rien de tout ça, des œuvres pour la plupart déjà exposées qui dissipent en nous l’appétence d’exclusivité. Pour certaines, des œuvres « stars », telle La D.S réinterprétée qui joue avec notre sens de la perception, et la fonction utilitaire que l’on attribue aux objets. Black Kites, le crâne-échiquier, renvoie, quant à lui, au jeu de la mort auquel il est impossible de gagner.
La scénographie reste classique, des dessins et des photographies accrochées au mur. Des sculptures, les plus imposantes posées au sol, les plus petites disposées sur des étals de marché, qui nonobstant ne manquent pas de charme. Cette disposition linéaire répertorie les pièces selon des caractéristiques de tailles et de techniques. Toujours loin de la conception qu’on peut se faire de l’atelier. Un lieu, où l’artiste crée ses propres liens subjectifs entre des œuvres fraichement créées.
L’effet de surprise concocté par le commissariat (d’exposition) subsiste par la présence de deux policiers mexicains, dont le « sale boulot » est de siffler le visiteur qui s’approcherait de trop près des œuvres, déjà protégées par un marquage au sol. La mise en scène grotesque sert-elle à figurer l’origine de l’artiste ? Gabriel Orozco, pourtant, se veut être un artiste nomade, « un piéton planétaire » (Thierry Davila, Marcher, Créer.), sans attaches particulières, en perpétuel déplacement et disposé à créer à tout endroit.
Le point le plus intéressant, en lien direct avec le propos de l’artiste, est le choix de ne pas avoir obstrué les vitres de la galerie du rez-de-chaussée. L’exposition s’inscrit dans la ville et vice versa, la ville dans l’exposition. Le sujet même de la pratique d’Orozco réside dans cette absence de frontière entre humain et urbain.
Un autre choix scénographique, attire l’attention : le fait de ne pas signifier les œuvres par des cartels. La distance œuvres-spectateur est ainsi réduite (s’il on arrive toutefois à faire abstraction des coups de sifflet et des nombreuses démarcations au sol). On troque le séculaire cartel contre une notice explicative, qui nous en apprend plus sur les œuvres que ce qu’on aurait pu en deviner « à l’œil nu ».
Le fantasme de visiter l’antre de l’artiste n’est absolument pas rassasié. On imagine une disposition plus libre, un brin anarchique, où dans l’idéal, les œuvres seraient palpables.
Lors des Rencontres Photographiques d’Arles en 2009, Nan Goldin, en tant que commissaire, exposait le photographe David Armstrong (L’instant indécis). Dans une petite pièce intime, le sol est jonché d’épreuves photographiques de différents formats, tirées sur des papiers de diverses textures, certaines sont encadrées, d’autres brutes. Du noir et blanc et de la couleur. Des marges et des pleins cadres. Ca et là des images accrochées selon les volumes de la pièce, parfois des portraits cachés par d’autres qui s’accumulent sous forme de tas. Cette mise en espace de l’atelier, à l’image du photographe semble être plus traditionnelle et conventionnelle, mais dans son genre, elle était convaincante.
Rien n’est comparable dans le travail de ces deux artistes, mais comme Goldin l’avait fait pour Armstrong, on aurait aimé que Christine Macel dans la conception de l’exposition soit dans le respect des problématiques esthétiques et conceptuelles d’Orozco. A savoir, la mobilité, la transformation et la dérive, pour n’en citer que quelques unes, qui n’apparaissent pas dans la scénographie linéaire et figée, mettant le spectateur en position délictueuse. L’œuvre d’Orozco, composée essentiellement de sculptures processuelles offrait pourtant bien d’autres perspectives.
Gabriel Orozco
de 15 septembre 2010 au 3 janvier 2011
au Centre Pompidou

Charlotte Cardonne

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire