vendredi 30 avril 2010

Après "The Wire", "Treme"


Treme - Clarke Peters

KLIK s'est trouvé en hibernation ces derniers temps. Nous en sortons, pour l'instant, pour une simple information, que nous devons en quelque sorte aux lecteurs qui ont suivi The Wire, ou simplement nos articles sur la série : son créateur, David Simon, a écrit et produit une nouvelle série, Treme, toujours pour la chaîne HBO. Elle est en cours de diffusion aux États-Unis.


Si l'on manque pour l'instant de recul pour apprécier pleinement l'œuvre dans son ensemble, il semble déjà que Simon et son équipe ont commencé à nous offrir une nouvelle rareté dans le domaine de la fiction télévisuelle. Encore plus proche du documentaire que The Wire, plus radicale peut-être dans sa différence avec les autres séries, Treme dénote déjà l'authenticité, la rigueur, l'intransigeance, et finalement la beauté dure et tranquille que Simon semble parvenir à imposer à ses œuvres.

Dans une industrie que l'on devine plus étouffante encore que le cinéma, c'est un vrai soulagement de découvrir que l'on peut, là aussi, suivre des artistes, sans que ceux-ci ne disparaissent sous le poids des contraintes économiques, et des évidences de la culture de masse qui leur répondent(1). Par là, nous désignons non seulement Simon et ses acolytes de la production, mais aussi les acteurs : en effet, plusieurs acteurs importants de The Wire retrouvent des rôles majeurs dans Treme. Il faut apprécier ce genre de fidélité, non tant pour le « clin d'œil » aux amateurs, que pour l'intérêt et la rareté d'un tel travail de longue haleine : le scénario est tout puissant dans l'industrie télévisuelle américaine, et la reconnaissance par Simon de l'utilité d'une complicité et d'une familiarité avec les acteurs est une nouvelle preuve de son style singulier. De l'autre côté, on voit avec plaisir que ces acteurs se considèrent partie prenante de la construction et de la sauvegarde d'une telle niche de créativité inespérée.

Treme, donc, décrit la vie d'un quartier afro-américain de la Nouvelle-Orléans en pleine reconstruction trois mois après l'ouragan Katrina. Ses habitants luttent contre le sort qui leur a été fait : logements délabrés, jobs disparus, familles éclatées ou endeuillées, quartiers menacés. Ils tentent de survivre, mais surtout de survivre à leur manière. Sauver la communauté : non seulement son existence, mais sa musique, sa cuisine, ses danses, ses fêtes ; et aussi sa solidarité, sa dignité, son indépendance. Bref, son style.

Nous ne connaissions pas grand-chose de la Nouvelle-Orléans – rien du quartier de Treme. Cette nouvelle série nous y introduit sans apitoiement, sans leçons ; sans thèses et sans jugements. C'est à la fois son histoire, ses espoirs, ses petites combines honteuses et ses dignes révoltes : sa dignité, oui, mais aussi sa colère, sa rage. Si ses maisons sont en lambeaux, ses trombones restent rutilants – et même son dernier souffle sortira fièrement d'une trompette.

Après The Wire, Treme. Après Baltimore, la Nouvelle-Orléans. Pour David Simon, les racines et le cœur de la société américaine ne se cherchent ni à New York, ni à Los Angeles. Il n'est plus temps de s'en étonner, mais il est encore nécessaire de le saluer. La culture populaire, dont les medias de masse usurpent souvent le nom, il faut la leur reprendre : Treme est une belle prise.

Treme
Treme, série télévisée créée par David Simon et Eric Overmyer.
Diffusée sur la chaîne HBO (Etats-Unis, 2010).

Le (remarquable) générique d'ouverture de la série.

K.

(1) Il faut saluer aussi la fidélité de la chaîne HBO, qui produit certes nombre de fictions plus médiocres, mais qui semble donner à Simon une grande liberté, et une belle confiance : Treme a déjà été reconduite pour une seconde saison, avant même le troisième épisode. HBO semble ainsi miser, parfois, sur la « vie longue » de ses productions, ce qui est extrêmement rare (The Wire faisait peu d'audience à ses débuts, et une série comme Treme peut emprunter le même chemin).

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