lundi 26 octobre 2009

Edith Roux, entre utopie et tiers paysage


Walled Out - Edith Roux
Walled Out - Edith Roux

C’est dans l’espace aux hauts murs blancs de la galerie DIX9 qu’Edith Roux nous fait découvrir son dernier accrochage. Réunion de trois séries Walled Out, Minitopia et Euroland, les images tour à tour se répondent, se confrontent et s’interrogent. Décryptage d’un regard résolument moderne et engagé sur les notions d’habitation et de paysage.


Le mois d’octobre et son temps gris sont propices à la visite des galeries. Commencer par la rue Charlot, continuer sur Turenne et pourquoi pas finir sur la rue des Filles du Calvaire. C’est dans cette dernière que la galerie DIX9 a établi son siège. Jeune galerie (à peine plus de deux ans d’existence), une programmation de belle qualité nous fait découvrir jeunes talents (l’on pense à Yuan Yanwu notamment) mais aussi artistes confirmés tel qu’Edith Roux qui investit les lieux jusqu’au 7 novembre.


L’exposition Walled Out / Minitopia présente une sélection de photographies de ces séries, ainsi que deux tirages de la série Euroland.


Walled Out – L’exclusion comme mode de vie


Intéressée depuis toujours par la question de la surveillance, qu’elle se situe dans les puces électroniques ou dans les caméras de surveillance, Edith Roux s’attarde dans cette série sur les Getting Communities américaines. Sorte de communes fortifiées pour classe moyenne apeurée, les getting communities sont de petites villes fermées sur l’extérieur par un mur servant d’enceinte.

La photo se construit alors toujours de la même façon. Premier plan, au centre, Edith de dos ; deuxième plan le mur surplombé par les toits identiques des maisons ; et le troisième plan se compose de ce simple ciel bleu qui semble nous dire que tout va bien ici, qu'il fait « beau » vivre. Dans un premier temps, l’on ne peut qu’être étonné par la frontalité de l’image. Violence du mur qui a bien des égards nous plonge dans notre histoire passée et présente et qui révèle cette symbolique de l’exclusion d’une part, et de la peur de l’autre, de l’étranger d’autre part. Ensuite, l’impression de « copy/paste » des toits et maisons qui viennent rythmer la ligne d’horizon nous glace. A l’intérieur de ces murs, l’identique est la norme, le même un credo. C’est par cette construction de l’image où le fond semble plaqué que le corps d’Edith placé au premier plan donne toute la profondeur à la photo. Profondeur graphique d’abord, mais surtout distance : ainsi la photographe transformée en « l’autre qui fait peur et dont on doit se protéger » semble observer de loin, à la juste distance pour ne pas interférer dans le fonctionnement de cette cité.

La fabrication de la série vient appuyer cette idée. Dans un premier temps, le fond est pris en photo à la chambre, ce n’est qu’ensuite que le corps sera ajouté par retouche au premier plan, comme pour souligner le fait que cette présence n’est pas souhaitée, qu’elle n’est pas la bienvenue près de cette communauté. D’ailleurs, une petite vidéo au ton ironique vient ponctuer le propos. Arrivant dans le cadre, un personnage monte sur une échelle et, à l’aide de jumelles, regarde par-dessus le mur quelques instants avant que la police, sirène hurlante, arrive.

Walled Out - Edith Roux


Euroland – Le tiers paysage

Servant de passage entre la série Walled Out et Minitopia, Euroland nous permet d’entrer dans la problématique du tiers paysage. Cette notion contemporaine peut sembler floue, mais Gilles Clément, créateur du manifeste du tiers paysage, en donne une définition à la fois claire et précise : « Le Tiers-Paysage – fragment indécidé du Jardin Planétaire – désigne la somme des espaces où l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature. Il concerne les délaissés urbains ou ruraux, les espaces de transition, les friches, marais, landes, tourbières, mais aussi les bords de route, rives, talus de voies ferrées, etc … »(1).


C’est donc dans ces zones qui hésitent entre l’urbain et le sauvage, ces zones qui un temps furent maîtrisées par l’homme et qui désormais sont retournées vers un état de nature qu’Edith Roux pose son appareil. Là encore, l'image se structure par une juxtaposition de bandes. Au premier plan, une bande de nature redevenue sauvage et foisonnante, au deuxième, une bande d’urbanisation avec ses feux rouges et ses grues, et plus loin, au troisième plan, c’est une bande de ciel qui vient fermer le cadre. Contre-pied parfait de la série Walled Out et de sa surveillance outrancière, Euroland nous montre l’échec de l’homme et de ses désirs de maîtrise, de surveillance et de domination.

Euroland - Edith Roux


Euroland - Edith Roux


Minitopia – L’utopie verte


Cette notion de tiers paysage parfaitement mise en image dans Euroland, prend cette fois des accents à la fois poétiques et inquiétants dans les mises en scènes de Minitopia. Focus sur les « mauvaise herbes » qui malgré l’urbanisation agressive de nos villes parviennent à jaillir entre deux bouts de trottoirs. C’est en s’approchant encore un peu plus près que l’on peut découvrir de minuscules personnages dominés par ces rhizomes. En regardant le titre des photos, l’on découvre le nom savant de chacune de ces pousses et il est difficile de ne pas être étonné lorsque l’on voit leur diversité en milieu urbain.

Minitopia - Edith Roux

Utopie de la nature qui reprend ses droits sur la ville ou désenchantement de la ville qui finira par avoir raison de la nature ? C’est bien là que réside toute l’ambiguïté de la série.




Tous les travaux d’Edith Roux sont visible sur son site www.edithroux.fr
Le manifeste du Tiers Paysage est consultable au format PDF ici

Exposition Walled Out / Minitopia
Du 10 octobre au 7 novembre
Galerie DIX9, 19 rue des Filles du Calvaire, Paris 3°
www.galeriedix9.com


© All rights reserved, all pictures are copyrighted and property of Edith Roux


Laetitia Ferrer


(1) Manifeste du Tiers-Paysage, 2003 aux Editions Sujet/Objet.

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