lundi 21 septembre 2009

-M- "Mister Mystère"


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Toujours fidèle à sa perspective créatrice originale, notre seul français buvable change, évolue ou régresse selon les points de vue.


Véritable fait néanmoins, M se matérialise dans une image de lui-même sobre et dépouillée, et livre son album le plus cohérent à ce jour. Costume noir de rigueur, Mathieu Chédid promène pour la dernière fois sa charmante bête de foire, destination son propre enterrement, tel un Johnny Cash ravi (pléonasme) d’en finir ? Pourquoi pas, surtout quand le single « Le Roi des Ombres » pourrait faire office de discours d’adieu en forme d’excuse.

Il faut donc prendre le personnage au pied de la lettre, on ne déconne pas avec la mort ici. Mort du Roi M ? Non. Mort de la Pop ? D’une certaine façon car M n’est plus Pop mais bel et bien Rock. Même si le personnage a toujours été rock’n’roll, notamment grâce à ses solos hendrixiens sanguinaires, la face Pop de son personnage a toujours été très en avant, comme une façon de se distinguer pour se faire remarquer par la masse, procédé élaboré 30 ans plus tôt par Polnareff et Gainsbourg.

Les préparatifs sont donc gigantesques. L’artiste inscrit sa nouvelle œuvre dans une forme artistique poussée et ludique – ludique par sa volonté de faire table rase du passé, où l’on passe de la couleur au noir et blanc dépouillé. La pochette du disque est d’une sobriété incisive, finis donc le rose bonbon et les truquages visuels, le yogourt à boire fait désormais place au Martini… méandres de l’âme ? Oui, car Mister Mystère n’est que la face obscure d’un M trop heureux en apparence.

Le son est policé par la parfaite production du Maître, directement au sein de son Labo. Mixées par le père Louis, les instrus et les mélodies font la part belle du disque, moins d’artifice mais plus d’efficacité, souvent appuyées d'un cœur féminin, comme pour mieux prolonger le son si précieux de sa voix. Ainsi le titre éponyme, où la seule puissance des accords de guitare plaqués et solos à la Clapton décoiffe. Car la guitare est bien ici l’épine dorsale du disque, sous toutes ses formes, allant même jusqu’au Heavy Metal, avec l’intro du très bon « Tanagara », hommage direct à Black Sabbath et à leur « Paranoid », tout comme le riff en cavalcade pompier sur « Ça sonne Faux » qui rappelle son excellente reprise de « Au Suivant » de Brel.

Même si renouveau il y a, M reste fidèle à ses amours, notamment pour les comptines électriques, comme « Semaine » ou « Délivre » avec les arpèges clairs de rigueur qui ont fait ses meilleures heures. L’artiste fait également place à ses gimmicks insupportables avec le très lourd « Hold-up », pièce partiellement ratée rappelant le formidable «Le Complexe du Corn Flakes » paru en 1999. Mention spéciale au clin d’oeil world avec « Amssétou », où Mathieu dévoile – une foi de plus – son amour pour le Mali, comme avec le collectif Paris-Bamako .

Bémol, la complexité de la musique ferait légèrement éclipse aux paroles, moins accrocheuses et instantanées que sur ses trois premiers albums. Mais les grands disques ne sont pas, paraît-il, instantanés à la première écoute ? Peut-être bien…

Et l’avenir ? Personne ne saurait dire où en sera le musicien dans ses crises identitaires existentialistes. Ce qui est sur c’est que M/Mathieu Chédid reste une entité à part de la musique française, populaire et créatif, deux notions qui se rencontrent rarement dans ce pays.

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-M-, Mister Mystère, Barclay Records, 2009

-M-, "Le Roi des Ombres".

D.S.

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