lundi 21 septembre 2009

Thomas Ruff - "Portraits"



Thomas Ruff, Portraits, 1988

Thomas Ruff
a produit dans les années 80 une série de photographies nommées Portraits. Avec un dispositif simple (qui peut s’apparenter à celui de la photo d’identité), il photographie ses amis, relations et connaissances, montrés sans aucune expression, sans la moindre émotion.


Ce dispositif, à savoir l’emploi d’un format toujours identique, un éclairage chaque fois similaire et cette volonté de neutraliser l’émotion, place donc chacune de ces personnes sur un même niveau de lecture. Cette accumulation de portraits provoque alors la disparition de l’individu en ce sens que la problématique ne serait plus la construction d’une figure, d’un individu propre, mais bien un propos plus général sur le portrait. Or, la perte de l’individu et plus encore de l’identité, semble être un symptôme de la disparition du « je » dans la société, d’une identité propre. Car, ce que l’on nomme neutralité de l’émotion dans ces figures, se traduit par un sentiment de tristesse et plus encore, de mélancolie lorsque l’on se trouve face à ces portraits. « Je ne suis pas », « Je ne peux être » semblent nous signifier ces visages. Et lorsque ces phrases se formulent, ne poserait-elle pas la question de l’incapacité à être ? Incapacité à être dans la société, mais aussi et peut-être surtout, dans « sa propre vie ».


Dans un second temps, ce qui est frappant, c’est la technique employée pour présenter ces clichés au public. Il tire ses clichés en grand format et haute résolution avec de nombreux détails, pour ensuite les couvrir d’une plaque de plexiglas transparente. L’image est violente car, enfermés derrière leur plexi, ces mille visages semblent réduits au silence. Enferrés dans un mutisme que la neutralité des expressions ne fait que soutenir, ces visages nous disent alors l’incommunicabilité, l’incapacité à entrer en rapport avec autrui.


Ces portraits présentent ainsi une perte de l’identité au profit du général, une incapacité à être, comme si, à la recherche sans cesse renouvelée de réponses, de moteur de vie, s’opposerait toujours une même question, première : quel « je » puis-je être ? Et par suite, comme une continuité dans le « mal-être », comment entrer en contact avec autrui, comment me sortir de moi-même pour rencontrer l’autre ?


Thomas Ruff, Portraits, 1988


Laetitia Ferrer

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